Les défis du changement continu
✨ Objectif Passer d’un changement alterné à un changement continu expose l’entreprise à des tensions organisationnelles : entre exploitation et exploration, optimisation et innovation, centralisation et autonomie. Pour y faire face, il faut considérer l’organisation comme un système dynamique et complexe, où ces tensions ne se résolvent pas, mais coexistent.
🧑🎓 Ce que vous allez apprendre ici - Ce qu’est une tension stratégique. - Pourquoi les organisations vivantes doivent naviguer entre des paradoxes. - Comment le cadre Cynefin aide à ajuster les modes de gestion.
L’entreprise paradoxale
Naviguer dans la complexité : piloter les tensions
Une tension stratégique est une polarité durable entre deux besoins organisationnels essentiels mais opposés (ex : stabilité vs transformation). Elle ne se résout pas : elle se pilote dans le temps.
Les entreprises doivent maintenant intégrer en permanence les deux dynamiques contradictoires d’exploration et d’exploitation, générant une tension continue entre performance immédiate et anticipation du futur. Ce ne sont pas les seuls dilemmes auxquels sont confrontées les direction :
❓ Exemples de tensions organisationnelles Comment assurer la stabilité nécessaire à la performance actuelle tout en favorisant l’innovation ? Faut-il privilégier des résultats à court terme ou investir dans des transformations structurelles de long terme ?
Autrefois abordées de manière séquentielle, ces tensions internes doivent aujourd’hui être pilotées simultanément. Il en existe de nombreuses dans l’entreprise :
Les tensions organisationnelles clés d’une entreprise (adapté de Bouchkhi, 1998)
💡 Une entreprise agile est une entreprise paradoxale, où coexistent et s’entrelacent des logiques opposées mais complémentaires. Elle ne choisit pas entre deux pôles : elle apprend à piloter leur dynamique dans le temps. Mal gérées, et elles se traduisent par des injonctions contradictoires.
🎈 Bienvenue dans l’entreprise paradoxale Naviguer dans un monde paradoxal, c’est piloter une montgolfière : - Trop de lest (structure) et elle ne décolle pas. - Trop de feu (innovation) et elle dérive sans contrôle. Le but est de pouvoir ajuster en continu la quantité de chaleur et de poids, selon les vents du contexte.
➿ Technova piégée entre ses deux moteurs Une équipe produit identifie une opportunité IA. Un client est prêt. Il suffirait de réallouer un peu du budget prévu pour un premier prototype. Mais ce budget a été décidé pour l’année — et tout changement nécessite un arbitrage hiérarchique lent. Problème ? Ce budget est massivement alloué à l’exploitation des capteurs industriels. C’est ce qui finance l’entreprise aujourd’hui. L’IA ? C’est ce qui pourrait assurer sa place demain. Mais l’un empêche l’autre. L’équipe ne peut pas avancer sans briser les règles. La direction ne peut pas bouger sans trahir ses priorités actuelles. Ce n’est pas une question de volonté. C’est une tension structurelle entre ce qui nourrit sûrement l’entreprise aujourd’hui, et ce qui la sauvera peut-être demain. Et chez TechNova, comme ailleurs, le dilemme n’est pas abstrait : il bloque un projet, une équipe, un choix.
L’entreprise complexe
“Ce n’est pas tant l’incertitude qui nous bloque. C’est notre incapacité à l’assumer collectivement sans chercher à tout figer.” - Parole de coach agile
Naviguer dans l’incertitude et l’émergence
Une organisation n’est pas une machine. C’est un écosystème vivant, composé d’individus, de relations et de dynamiques collectives, qui :
- Evolue en interaction permanente avec son environnement,
- Se transforme par émergence, pas par planification,
- Produit des comportements globaux non réductibles à la somme de ses parties.
Dans cet écosystème, l’intelligence collective devient une ressource stratégique. Ce sont les connexions humaines, la capacité à coopérer, à apprendre ensemble, à sentir les signaux faibles, qui permettent à l’organisation de rester en mouvement.
Cette complexité impose de repenser les modèles traditionnels de gestion, hérités d’un monde mécaniste, linéaire et prévisible.
4 propriétés d’un système complexe
Un système complexe se distingue par plusieurs propriétés fondamentales :
- Systémique → tout est interdépendant.
- Dynamique → il change en permanence.
- Non linéaire → de petits changements locaux peuvent produire des effets globaux, l’effet papillon.
- Émergent → le résultat d’ensemble est non prévisible à partir de celui des parties.
Une nouvelle approche de la gestion
Cela nécessite l’adoption de la pensée complexe, qui combine plusieurs perspectives :
- Holistique : pour appréhender le système dans sa globalité, au-delà de ses parties individuelles.
- Systémique : pour comprendre les interactions et les rétroactions qui influencent son fonctionnement.
- Latérale : pour stimuler la créativité et explorer des alternatives en dehors des cadres établis.
- Paradoxale : pour gérer des contradictions inhérentes à l’entreprise.
👋 Bienvenue dans l’ère de l’entreprise complexe !
Adapter le pilotage à la nature du problème grâce au modèle Cynefin
Modèle Cynefin, adapté de Dave Snowden
Heureusement, toutes les situations rencontrées en entreprise ne sont pas complexes. Certaines relèvent de contextes connus et maîtrisés ; d'autres exigent une adaptation constante. Pour choisir une posture de management adaptée, il est essentiel de reconnaître la nature du problème à résoudre.
Le modèle Cynefin, développé par Dave Snowden, propose un cadre d’analyse pour catégoriser les situations en cinq domaines de complexité. Chacun d’eux appelle une posture spécifique de prise de décision :
Domaine | Nature du problème | Approche recommandée | Exemple de posture de pilotage |
---|---|---|---|
Simple | Stable, prévisible, bien connu | Observer → catégoriser → répondre | Appliquer des règles établies |
Compliqué | Analysable, mais nécessite expertise | Observer → analyser → répondre | Recourir à des experts |
Complexe | Inédit, incertain, en évolution | Explorer → observer → répondre | Expérimenter, apprendre collectivement |
Chaotique | Urgent, instable, sans repères clairs | Agir → observer → répondre | Agir rapidement pour stabiliser |
Désordre | Indéterminé, non encore clarifié | – | Clarifier avant de décider |
💡 Le modèle Cynefin souligne qu’il n’existe pas une seule manière de piloter une organisation : ➔ La posture de management dépend du contexte, ➔ de la capacité à reconnaître les dynamiques à l’œuvre, ➔ puis à adapter son mode de décision en conséquence.
Pourquoi bien diagnostiquer la complexité est essentiel
Trois pièges sont fréquents face à la complexité :
- Agir par réflexe : appliquer une solution connue à un problème inédit.
- S’enliser dans l’analyse : chercher des certitudes là où seules des expérimentations peuvent faire émerger des réponses.
- Mobiliser une expertise inadaptée : un expert d’un domaine stable peut être désarmé face à la dynamique d’un contexte complexe.
Ces pièges ne sont pas anodins : ils produisent du sur-place coûteux, empêchent l'apprentissage collectif, et peuvent figer l’organisation dans des routines inadaptées. En complexité, mal poser le problème revient à aggraver la situation. C’est pourquoi bien diagnostiquer n’est pas une étape accessoire, mais le préalable stratégique à tout modèle global. Et pour cela le cadre Cynefin est une aide précieuse.
🔎 En savoir plus sur Cynefin
Vers une résolution efficace des problèmes complexes
Pour aborder les contextes complexes, plusieurs approches sont recommandées :
Si le problème peut-être découpé en sous-problèmes :
- L’approche par hypothèses : utile, mais attention au biais de confirmation.
- L’approche par questionnement ouvert : commence par une exploration des questions plutôt que par des solutions préconçues.
Le cas échéant :
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Le design thinking : méthode collaborative centrée sur l’utilisateur, favorisant l’émergence de solutions innovantes à travers le prototypage et l’itération.
D’autres approches, telles que les options réelles, consistent à explorer plusieurs pistes en parallèle, sans chercher à converger trop tôt. Utile pour préserver l’adaptabilité face à des problèmes dont les contours évoluent encore. Elle nourrit les démarches de design, qui s’appuient sur une diversité d’exploration avant d’esquisser une réponse.
Dans tous les cas, la résolution de problèmes complexes repose sur une logique adaptative : cycles d’essai-erreur, ajustement en fonction du feedback, apprentissage continu.
👣 Et concrètement, lundi matin ?
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Créer une carte des tensions stratégiques propres à votre organisation.
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Et si …? Projetez-vous dans des scénarios fictifs inversés pour tester ces tensions :
Et si vous choisissiez de ne pas explorer du tout cette année ?
➝ Imaginez les effets : performance court terme, mais risques accrus d’obsolescence.
Et si vous décidiez de centraliser toute la stratégie cette année ?
➝ Gain de lisibilité, perte d’agilité. Que constatez-vous ?
Et si vous laissiez une équipe décider seule ?
➝ Que se passe-t-il ?
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Utiliser Cynefin pour décider du bon mode de gestion selon les contextes.